[Zoom sur la finance solidaire 2025] L’assurance-vie, un levier stratégique pour la finance solidaire (5/5)

Publiée le 17.11.2025

Entre obligations réglementaires, montée des labels et attentes des épargnants, l’assurance-vie change de visage. Le produit préféré des Français devient un levier de la transition écologique et sociale. Mais derrière cette vitrine de durabilité, le défi reste entier : informer, former et prouver l’impact.

Découvrez dès à présent l'article V du Zoom sur la finance solidaire 2025, l'une des trois publications phares de FAIR avec le Baromètre de la finance solidaire et le Panorama de la finance à impact social, revient à nouveau cette année.

L’assurance-vie se réinvente

Longtemps cantonnée à un rôle patrimonial, l’assurance-vie s’impose désormais comme un levier central de la transformation financière française. Avec près de 2 000 Md€ d’encours (dont 584 Md€ en unités de compte) et une collecte nette record de 29,4 Md€ en 2024, elle constitue un puissant réservoir de capitaux à orienter vers la transition durable et l’économie sociale et solidaire (ESS).

Depuis la loi PACTE (2019), renforcée par la loi Industrie verte (2023), chaque contrat multisupport doit proposer au moins trois unités de compte (UC) labellisées :

  • une UC ISR, fondée sur les critères ESG ;
  • une UC Greenfin, dédiée à la transition écologique ;
  • une UC solidaire, orientée vers l’économie sociale et solidaire.

L’assurance-vie solidaire peut prendre deux formes :

  • une UC solidaire, intégrée à un contrat classique sous forme de fonds 85/15 ;
  • un contrat d’assurance-vie solidaire, entièrement investi dans des supports engagés.

À ce jour, seuls deux contrats bénéficient du label Finansol :

  • Assurance-vie Responsable et Solidaire (MAIF) : cohérente dans son approche, cette offre combine un fonds en euros responsable et solidaire (investi selon des critères ESG et à impact social ou environnemental) et des UC labellisées ISR, Greenfin ou Finansol, prolongeant cette démarche éthique et durable. Le contrat allie ainsi sécurité, diversification et engagement durable.
  • Générations Croiss@ance Durable (Generali Vie) : un contrat à allocation diversifiée (obligations, actions, actifs non cotés), dont une part significative finance des projets à impact social ou écologique. Labellisé Finansol depuis 2023, il consacre une fraction mesurable de son portefeuille à l’insertion, au logement ou à la transition énergétique, tout en appliquant des critères ESG rigoureux à l’ensemble de sa sélection.

 

Le cadre réglementaire a profondément transformé le paysage de l’épargne : les fonds responsables, verts et solidaires, autrefois réservés aux initiés, sont désormais accessibles à tous. Deux défis persistent toutefois :

  • distinguer les fonds réellement dédiés à la transition écologique ou solidaire des simples démarches ISR ;
  • les rendre visibles, car ces supports restent souvent noyés parmi la multitude d’UC disponibles.

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Un marché en expansion

Le marché des placements responsables poursuit sa montée en puissance : entre 2021 et 2023, le nombre de supports a augmenté de plus de 20 %. Les UC solidaires ont vu leurs encours progresser de 28 % en 2023, une tendance qui se confirme en 2024. Les contrats d’assurance-vie solidaires affichent eux aussi une forte croissance :

  • MAIF - Assurance-vie Responsable et Solidaire : 4,2 Md€ d’encours,
  • Generali Vie - Générations Croiss@ance Durable : 75 M€.   d’encours.

Côté performance, les placements responsables ne sont pas en reste : en 2024, les UC responsables enregistrent +9 %* (contre +7 % en 2023) et une moyenne de +5,3 % net sur cinq ans, surpassant les fonds en euros. Seul bémol : des frais de gestion légèrement plus élevés, autour de 1,67 %, hors frais de contrat.
* France Assureurs, 2023-2024.

Une appropriation de l’offre encore limitée 

Malgré un intérêt croissant, les placements responsables restent peu connus du grand public. Seuls 22 % des Français identifient l’épargne solidaire et 18 % l’investissement responsable*. Les labels associés demeurent également confidentiels : à peine 22 % des sondés en ont entendu parler**.

* IFOP-FIR 2024. ** FIR, Les Français et la finance responsable, sept. 2025.

Pourtant, la sensibilité aux enjeux environnementaux et sociaux progresse nettement : 51 % des épargnants les intègrent désormais dans leurs décisions d’investissement. Selon le baromètre OpinionWay pour l’AMF (2025), 76 % des Français considèrent l’impact environnemental comme un sujet essentiel et attendent davantage de conseils concrets de la part de leur conseiller financier.

Les freins*** restent toutefois importants : crainte du greenwashing (32 %), manque d’informations claires (24 %) et méfiance envers les labels (18 %).

 *** AMF/OpinionWay, Baromètre de l’épargne et de l’investissement responsable, 2025.

Commercialisation : sur le terrain, un discours encore « balbutiant »

Pour évaluer la place de la finance durable dans le conseil aux épargnants, FAIR a mené en 2025 une série d’entretiens « client mystère » auprès d’une quinzaine de conseillers bancaires et d’assureurs. Résultat : une finance durable encore très peu incarnée au guichet.

Malgré l’obligation légale de proposer des UC ISR, Greenfin ou solidaires dans chaque contrat multisupports, la majorité des conseillers interrogés n’évoquent jamais spontanément ces produits. Lorsqu’ils le font, les notions restent floues : « fonds verts », « fonds impact », « produits durables » sont employés de manière interchangeable, souvent sans distinction claire. Un seul interlocuteur sur quinze connaissait précisément les trois labels officiels.

Ce manque de maîtrise s’explique moins par un désintérêt que par un déficit de formation. Plusieurs conseillers reconnaissent ne pas pouvoir répondre précisément aux questions sur les fonds responsables, ou se contentent de renvoyer le client vers une documentation en ligne.

Entre la norme réglementaire et la réalité du conseil, l’écart demeure important. Pour que l’assurance-vie solidaire tienne ses promesses, la montée en compétence des réseaux commerciaux apparaît désormais comme essentielle.

Vers une assurance-vie d’impact ?

L’assurance-vie d’impact s’affirme comme la nouvelle étape de la finance durable. Les assureurs multiplient les UC labellisées et lancent des contrats 100 % responsables, associant UC durables, fonds en euros à impact et gestion pilotée ESG. D’autres expérimentent des reportings d’impact, pour mesurer concrètement les effets de leurs investissements sur le climat, l’emploi ou le logement.

L’État accompagne cette évolution avec le Plan Épargne Avenir Climat (PEAC), créé en 2023 pour les moins de 21 ans, afin de flécher l’épargne vers la transition écologique et l’utilité sociétale.

Pour accélérer ce mouvement, quatre leviers sont clés : 

  • Former les conseillers à la finance durable ;
  • Simplifier l’offre et la communication autour des supports responsables ;
  • Rendre les labels plus lisibles et cohérents (ISR, Greenfin, Finansol) ;
  • Renforcer la mesure d’impact pour restaurer la confiance.

L’assurance-vie solidaire ne réalisera pleinement son potentiel que si elle parvient à être comprise, crédible et incarnée.

3 questions à Paul Esmein, directeur général de France Assureurs

 

L’assurance-vie concentre une part majeure de l’épargne des Français, mais la finance solidaire y reste marginale. Comment expliquez-vous ce décalage ?


L’assurance-vie offre un cadre particulièrement favorable au développement de l’épargne solidaire. Ces dernières années, on observe une montée en puissance des UC responsables, vertes et solidaires, soutenue par l’évolution de la réglementation, notamment la loi PACTE, qui impose leur intégration dans les contrats multisupports. Cette dynamique est bien engagée, mais elle demande encore du temps pour se diffuser largement et s’ancrer pleinement dans le patrimoine des assurés.

Les supports solidaires existent dans l’offre des contrats, mais restent peu souscrits. Que peuvent faire les assureurs pour mieux les mettre en valeur et les rendre accessibles ?


Aujourd’hui, moins d’un Français sur 4 connait l’épargne solidaire. Les assureurs mènent des campagnes d’éducation financière pour sensibiliser les épargnants, et France Assureurs y contribue à travers le guide Épargner responsable avec mon assurance vie. La formation des conseillers est également clé pour rendre l’information lisible. La loi Industrie verte, en intégrant les préférences ESG dans le devoir de conseil, devrait permettre de renforcer la transparence et l’attractivité des supports solidaires.

Au-delà de la distribution, quels leviers structurels (incitations, régulation…) pourraient permettre à l’assurance-vie solidaire de se développer ?


Jusqu’à maintenant, la finance durable s’est concentrée majoritairement sur le plan environnemental. Pour développer l’assurance vie solidaire, des réflexions doivent être engagées au niveau européen afin d’identifier des outils d’analyse harmonisés et un cadre commun de la finance solidaire. En France, les fonds solidaires doivent aussi gagner en notoriété, comme ils l’ont fait progressivement dans l’épargne salariale. Enfin, l’éducation financière reste déterminante pour lever les freins et permettre à chacun d’orienter son épargne vers des placements à la fois performants et utiles.

Consulter les autres articles du Zoom sur la finance solidaire 2025

 

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