L’épargne solidaire : un levier pour la solidarité internationale en 2024

Publiée le 13.05.2025

Alors que l'échéance de 2030 pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) se rapproche, l'épargne solidaire demeure un des leviers de financement des projets portés par des acteurs engagés dans la solidarité internationale. Malgré un contexte géopolitique complexe, les citoyens continuent de mobiliser leurs ressources pour soutenir des initiatives en faveur des pays du Sud.

Cet article explore les tendances récentes de l'épargne solidaire en 2023, met en lumière ses dynamiques principales et identifie les enjeux pour renforcer la mobilisation de l'épargne citoyenne au service du développement international.

L'épargne solidaire au service du développement international

À l’aube de la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement (à Séville du 30 juin au 3 juillet 2025), le contexte économique, social, climatique et géopolitique mondial suscite de vives inquiétudes parmi les nombreux acteurs privés et publics engagés dans la mise en œuvre de projets de financement et de développement.  

Alors que l’échéance de 2030 pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) approche à grands pas, et que plusieurs rapports pointent un déficit croissant de financement, il est plus que jamais crucial de rappeler le rôle de la finance solidaire. Bien que l’épargne solidaire ne mobilise pas encore des ressources à très grande échelle, elle représente un levier concret pour engager les citoyens dans le financement du développement international.

En 2023, en analysant notre échantillon de produits d’épargne solidaire labélisés Finansol (187 produits à fin 2023), près de 566 millions d'euros d’encours d’épargne solidaire ont permis de soutenir des projets portés par des acteurs capables de prendre des risques que d'autres n’assument pas : ONG et entreprises solidaires d’utilité sociale. Parmi les 187 produits labellisés Finansol, 27 étaient spécifiquement orientés vers des projets de solidarité internationale. Ces produits, principalement issus de l’épargne bancaire et de l’épargne via les mutuelles d'assurance, se distinguent par l’affectation d’au moins 50 % de leurs financements ou dons à la solidarité internationale.

Cet article vise à analyser les tendances récentes de l’épargne solidaire orientée vers la solidarité internationale en 2023, à mettre en lumière ses dynamiques principales et à identifier les enjeux pour renforcer la mobilisation de l’épargne citoyenne au service du développement des pays du Sud.   

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L’encours de l’épargne solidaire orienté vers la solidarité internationale

En 2023, l’encours de l’épargne solidaire orientée vers la solidarité internationale a enregistré une légère progression de 2 % par rapport à l’année précédente. La répartition entre les trois grands canaux de collecte est restée stable, avec une prédominance de l’épargne financière qui représente 88 % de l’encours total.

Cette évolution modeste intervient après une forte contraction observée entre 2021 et 2022, où l’encours avait chuté de 23 %, en grande partie en raison de l'effondrement de l’épargne bancaire (-91 % sur la période). En 2023, le recul de l’épargne bancaire s’est poursuivi mais de manière plus modérée (-9 %). L’épargne collectée directement par les entreprises solidaires a également connu une baisse contenue de 5 %.

Tableau 1 : Encours de l’épargne solidaire orientée vers la solidarité internationale en millions d’euros  

 

2021 

2022 

2023 

Épargne collectée par les entreprises solidaires 

70 

62,8 

59,5 

Épargne bancaire (livrets, dépôts à terme) 

121,2 

10,8 

9,8 

Épargne financière (OPC) 

528 

479,8 

496,6 

Total 

719,2 

553,4 

565,9 

La relative stabilisation de l’encours en 2023 masque néanmoins une dynamique contrastée : si l’épargne financière tire l’ensemble, la faiblesse persistante de l’épargne bancaire constitue un point d’attention pour l’avenir. La capacité à diversifier les canaux de collecte sera déterminante pour soutenir la croissance de l’épargne solidaire en faveur de la solidarité internationale.

Le financement solidaire orienté vers la solidarité internationale  

Le financement solidaire orienté vers la solidarité internationale couvre les soutiens apportés directement aux associations et entreprises implantées dans les pays en développement (PED), ainsi qu’aux acteurs intermédiaires tels que les ONG et les investisseurs solidaires.

En 2023, les financements en faveur de la solidarité internationale — incluant les dons issus de l’épargne de partage — ont enregistré une baisse importante de 35 % par rapport à l’année précédente. Cette diminution s’inscrit dans la tendance générale de repli constatée sur l’ensemble des investissements solidaires (cf. Zoom de la finance solidaire 2024), principalement liée à une moindre activité des fonds solidaires et des produits bancaires en 2023.

Cependant, cette tendance est partiellement nuancée par une dynamique positive : les dons issus de l’épargne de partage ont connu une croissance spectaculaire de 80 % en 2023, contre une évolution quasi nulle (+1 %) entre 2021 et 2022. 

Tableau 2 : Financement solidaire orienté vers la solidarité internationale en millions d’euros   

 

2023 

2022 

2021 

Financement d’associations et entreprises de solidarité internationale  

42,8 

68,58 

70,91 

Dons issus de l'épargne de partage orientés vers les associations de solidarité internationale 

3,12 

1,74 

1,73 

Total 

45,92 

70,32 

72,64 

 

S’agissant de la répartition des financements solidaires, les institutions de microfinance confirment leur rôle central en concentrant 66 % des financements en 2023 (contre 52 % en 2022). Ces institutions poursuivent leur mission essentielle : lutter contre l’exclusion financière en proposant des services d’épargne, de crédit, et parfois d’assurance ou de formation aux populations exclues du système bancaire traditionnel.

Cette progression de la microfinance s’est faite au détriment du financement orienté vers l’agriculture et les entreprises productives, dont la part relative a reculé. Le secteur des énergies renouvelables enregistre, quant à lui, une légère hausse de sa part dans les financements.

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Figure 1 :  Volume de financement solidaire orienté vers les PED par secteur d’utilité sociale 

 

2 questions à Imad Tabet, Directeur du marché des personnes physiques au Crédit Coopératif 

Quelles sont les tendances de l’épargne de partage en 2024 et comment les épargnants du Crédit coopératif se mobilisent en faveur de la solidarité internationale ?  

Dans un contexte de taux favorable pour les livrets A et LDDS, les dons issus des produits d’épargne et des placements financiers de partage ont significativement augmenté au Crédit Coopératif entre l’année 2023 et l’année 2024, passant de 5,2 à 6,1 millions d’euros. 36% de ces dons, soit 2,2 millions d’euros, ont été versés à 19 associations et fondations partenaires agissant dans le domaine de la solidarité internationale, dont le CCFD Terre solidaire (1,3 millions d’euros), Médecins du Monde (240 000 €) et Action contre la Faim (220 000 €).  

En complément à ces produits d’épargne et de placement de partage, qui permettent de partager les intérêts annuels sous forme de dons avec les associations et fondations partenaires, nous proposons à nos clients qui le souhaitent de réaliser automatiquement un micro-don à chaque opération effectuée avec leur carte bancaire au profit de l’association de leur choix. Ces dons s’ajoutent à ceux effectués par la banque à la souscription de la carte bancaire et à chaque retrait d’argent effectué par nos clients.  Au total, ces micro-dons cumulés de la banque et de nos clients se sont élevés à 1 M€ en 2024, dont 280 000 € ont été versés à des associations et fondations agissant dans le domaine de la solidarité internationale.

Comment votre engagement en faveur de la solidarité internationale se traduit-il concrètement dans vos actions et vos choix d’investissement ?  

Partenaire de Coordination Sud, le Crédit Coopératif accompagne de longue date les associations de solidarité internationale en leur proposant des solutions sur mesure pour répondre à leurs besoins.  

La création en 1984 du premier fonds commun de placement de partage, Faim et Développement, en partenariat avec le CCFD et la Sidi, traduit bien cette volonté de la banque de créer en relation avec les associations partenaires des outils bancaires et financiers innovants, en l’occurrence un produit financier de collecte de dons qui n’existait pas jusqu’à présent en France. Par ailleurs, le Crédit Coopératif a fixé des lignes directrices au niveau de sa politique de crédit en excluant de ses financements les activités situées dans des paradis fiscaux ou sociaux, l’extraction d’énergies fossiles, le nucléaire ou l’armement.  

En se retirant du financement de ces secteurs d’activité, le Crédit Coopératif s’engage en faveur de la solidarité internationale et évite autant qu’il est en mesure de le faire de contribuer indirectement à travers ses financements aux crises humanitaires contre lesquelles les associations de solidarité internationale luttent au quotidien.   

La création en 1984 du premier fonds commun de placement de partage, Faim et Développement, en partenariat avec le CCFD et la Sidi, traduit bien cette volonté de la banque de créer en relation avec les associations partenaires des outils bancaires et financiers innovants, en l’occurrence un produit financier de collecte de dons qui n’existait pas jusqu’à présent en France.

Imad Tabet Directeur du marché des personnes physiques au Crédit Coopératif

En 2023, le nombre de projets financées a augmenté passant de 579 à 592. Toutefois, les montants investis sont moindres. La répartition géographique des financements reste similaire :

  • Afrique : 47 % des montants financés, 23 % des transactions
  • Amérique latine et Caraïbes : 31 % des montants, 45 % des transactions
  • Asie : 14 % des montants, 27 % des transactions
  • Europe centrale et orientale : 8 % des montants, 5 % des transactions

Le continent africain demeure le premier bénéficiaire en volume financier, mais l’Amérique latine et les Caraïbes se distinguent par un nombre plus élevé de projets soutenus. 26 associations de solidarité internationale ont reçu 3,12 M€ de dons via les produits de partage en 2023, soit une hausse de 80 % par rapport à l’année précédente. La Croix-Rouge est l’association de solidarité internationale recevant le plus de dons. Cinq associations de solidarité internationale font partie du top 10 des associations collectant le plus de dons au même titre que l’an dernier.  

2 questions à Aurélie GALLET DE SAINT-AURIN, Responsable Pôle Partenariats Entreprises, Action Contre La Faim 

Quel rôle jouent les dons issus de l’épargne de partage dans le financement de vos actions ?

Les dons issus de l’épargne de partage jouent un rôle complémentaire essentiel dans nos missions de lutte contre la sous-nutrition car ils constituent une diversification des sources de financement pour les programmes menés par Action contre la Faim. Même si leur montant reste relatif par rapport aux besoins globaux, ces financements privés viennent renforcer et compléter les financements des bailleurs publics, ce qui est particulièrement important dans le contexte actuel de forte baisse des financements institutionnels. Par ailleurs ces dons « non fléchés » permettent à l’ONG de les orienter plus librement vers les besoins prioritaires et les urgences du moment. L’épargne de partage constitue également une source de dons régulière, qui se renouvelle d’année en année, contribuant ainsi à apporter une certaine stabilité financière à nos projets. Enfin, l’épargne de partage est aussi un moyen de sensibiliser le grand public aux besoins humanitaires ainsi qu’aux actions qui peuvent être menées, un rôle tout aussi déterminant.

Quels seraient vos besoins ou recommandations pour améliorer le mécanisme de l’épargne de partage afin de mieux soutenir vos missions ?

L’épargne de partage gagnerait sans aucun doute à être plus connue… L’impact global pourrait être démultiplié en augmentant le taux de participation des épargnants. Or ce mécanisme et son impact restent encore globalement peu connus des épargnants. A titre d’exemple, en 2024 la totalité des dons reçus par Action contre la Faim et issus de l’épargne de partage ont permis de soigner l’équivalent de plus de 12 000 enfants atteints de sous-nutrition. Ce montant permet également d’aménager l’équivalent de plus d’une quarantaine d’ouaddi, des oasis maraichères permettant d’augmenter la production agricole dans les pays aux sol appauvris par les conditions climatiques extrêmes.

Le rôle de la gouvernance des banques est aussi déterminant. Par exemple la mise en place d’un dividende sociétal permettant de booster les taux d’intérêt des livrets d’épargne de partage est un levier d’une puissance incroyable. L’extension du mécanisme de partage à l’ensemble de la gamme de produits financiers proposés par la banque peut aussi avoir un effet multiplicateur. 

L’épargne de partage gagnerait sans aucun doute à être plus connue… L’impact global pourrait être démultiplié en augmentant le taux de participation des épargnants. Or ce mécanisme et son impact restent encore globalement peu connus des épargnants. A titre d’exemple, en 2024 la totalité des dons reçus par Action contre la Faim et issus de l’épargne de partage ont permis de soigner l’équivalent de plus de 12 000 enfants atteints de sous-nutrition.

Aurélie GALLET DE SAINT-AURIN Responsable Pôle Partenariats Entreprises, Action Contre La Faim

Malgré la progression encourageante des dons issus de l’épargne de partage, il demeure essentiel de garder à l'esprit qu’une faible part des acteurs bancaires propose aujourd’hui des produits de partage à leurs épargnants. Ce levier de financement solidaire bénéficie donc d’une visibilité limitée et entre parfois en concurrence avec d’autres dispositifs de collecte mieux identifiés. La mobilisation des réseaux bancaires et la promotion de l’épargne de partage auprès des épargnants restent une priorité pour l’association FAIR.  

Alors que l’échéance de 2030 pour atteindre les Objectifs de développement durable se rapproche, l'épargne de partage représente une opportunité précieuse, mais fragile, qu’il convient de soutenir activement pour amplifier son impact en faveur de la solidarité internationale. 

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