
3 questions à Bastien Sibille, secrétaire général de Coop FR et fondateur de l'opération Milliard
Publiée le 04.07.2025
Comment l’Opération Milliard se positionne-t-elle par rapport aux mécanismes existants de la finance solidaire ? En quoi complète-t-elle ou renforce-t-elle les dispositifs actuels ?
Dans un contexte de raréfaction importante des ressources financières affectées à la transition juste, l'opération Milliard est une force civile d'action qui se mobilise pour rediriger davantage de financements vers ces organisations. C'est un mouvement citoyen, qui veut rassembler organisations de la transition juste et les financeurs, pour trouver ensemble les manières de lever les contraintes existantes au financement.
Nous souhaitons renforcer et compléter les dispositifs actuels par plusieurs actions. Tout d'abord, nous souhaitons créer des fonds additionnels (notamment un fonds de dotation sur la question des coopérations territoriales, et un Fonds Professionel de Capital Investissement) qui viennent augmenter les financements existants. Aussi, nous menons des actions de plaidoyer pour des dispositifs qui permettent de lever des barrières au financement. Notre premier plaidoyer, que nous menons avec FAIR, porte sur la création d'un mécanisme de garantie fonds propres public pour les acteurs de l'ESS.
Nous souhaitons aussi permettre à tous les citoyens qui le souhaitent de monter en compétence sur les questions du financement de la transition juste. Nous avons des masterclass sur la finance, et lancerons avant la fin de l'année un cursus pour permettre aux participants de se former sur l'analyse de demandes de financement, afin de pouvoir entrer dans les gouvernances de véhicules financiers de la finance solidaire, les nôtres comme celles de partenaires qui souhaiteraient davantage ouvrir leurs comités d'investissement à des citoyens dans les territoires.
Quels sont les principaux obstacles que rencontrent les structures de l’ESS pour accéder aux financements solidaires ?
Il y a tout d'abord des besoins de financement en amorçage qui ne sont pas assez bien couverts, et c'est d'ailleurs pourquoi un mécanisme de garantie public pour les fonds propres nous semble crucial, afin qu'il vienne en partie dé-risquer l'investissement, car la lucrativité limitée d'une majorité des organisations de l'ESS implique des rendements modérés, qui freinent les prises de risque des financeurs. France Active fait partie des pionniers dans ce domaine et son travail, remarquable et essentiel, mérite d'être reconnu et amplifié.
Il y a aussi une méconnaissance du fonctionnement de certains acteurs (gouvernance démocratique, rendements possibles sur les investissements...), en particulier des coopératives, par les financeurs, y compris parfois dans la finance solidaire. D'ailleurs ces derniers ne sont pas encore assez nombreux pour couvrir les besoins de financement.
Enfin, on nous a aussi remonté le besoin d'accompagnement pour connaître les bons financeurs vers qui se tourner, en fonction des besoins des organisations
Pouvez-vous nous partager votre vision de l'ESS dans les 5 prochaines années ?
Rarement l'avenir de l'ESS n'a été aussi lié au contexte politique qu'elle ne l'est aujourd'hui. Le résultat des élections de 2027 est déterminant. Nous l'avons constaté dans les mois qui viennent de s'écouler : le RN, renforcé par LR, cherche par tous les moyens à diminuer l'ESS. Nous avons ainsi évité des amendements qui demandaient ni plus ni moins que la suppression d'ESS France. Il y a deux histoires de l'ESS dans cinq ans et le point de bascule se joue lors des élections de 2027. Je ne suis pas ici en train de dire que les institutions représentatives de l'ESS devraient s'engager politiquement dans la campagne à venir. Ceci est une autre question qui doit être débattue ailleurs. J'espère ne pas trop vous décevoir en ne vous livrant pas ici la vision de l'ESS que j'aimerais voir advenir mais je crois que les temps ne sont plus au rêve de l'ESS mais à sa défense pied à pied.