"Lorsqu’on parle d’impact social, on parle de changement social" - Elise Leclerc, membre du comité du label Finansol

Publiée le 07.04.2023

A l'occasion des 25 ans du label Finansol, nous vous proposons une rencontre avec Elise Leclerc, nouvelle membre du comité du label Finansol. Elle revient notamment sur les enjeux liés à la mesure d'impact et sa prise en compte dans notre label.

1. Quel est votre parcours et quelles sont les motivations qui vous ont poussée à faire partie du comité du label ?

Après une carrière très courte (et un premier bel échec !) comme professeure agrégée d’anglais en QPV, je me suis reconvertie à 25 ans dans l’innovation sociale en partant travailler en Irlande, où le MIT Media Lab Europe expérimentait de nouvelles approches éducatives par la Tech4Good auprès de jeunes des quartiers défavorisés de Dublin et sur la Peace Line de Belfast. Ces projets menés avec les chercheurs du MIT et les associations locales pendant 3 ans m’ont permis d’explorer de nouvelles formes de recherche, d’engagement et d’impact sur les jeunes et leurs familles, et dans des écosystèmes très différents de l’écosystème français.

C’est cette première expérience de recherche-action qui a ensuite guidé le reste de mon parcours dans l’innovation sociale au Royaume-Uni, et notamment l’évaluation d’impact social à laquelle j’ai été formée en 2010 pour évaluer des projets sur la santé psychiatrique des adolescents avec le Mental Health Institute et le Tavistock Institute. Entre 2013 et 2015, j’ai notamment travaillé sur des expérimentations pour améliorer l’impact de l’enseignement secondaire dans les quartiers défavorisés de Londres et la différence entre le système éducatif britannique pour des problématiques similaires à la France était particulièrement passionnante pour une démissionnaire de l’éducation nationale. J’ai enfin renoué avec la Tech4Good au Portugal pendant trois ans où je combinais un rôle de direction administrative et de recherche en lien avec l’Afrique, jusqu’à mon arrivée à l’ESSEC en 2018 pour cofonder le Labo E&MISE (Evaluation et Mesure d’Impact Social et Environnemental) avec Thierry Sibieude et Jérôme Schatzman.

C’est cette envie récurrente de relier les mondes de la recherche académique et de l’innovation sociale qui m’a poussée à rejoindre le comité du label Finansol, où des acteurs de tous horizons côtoient des chercheurs au sein d’un collectif profondément engagé.

 

2. Sur quels sujets en particulier souhaitez-vous apporter votre expertise au sein du comité du label ?

Je pense pouvoir apporter une perspective de recherche et de contextualisation internationale aux réflexions sur l’évaluation d’impact social des produits labellisés et/ou leurs sous-jacents, même si je suis consciente de la nécessité de rester pragmatique et proche des enjeux des acteurs. L’évaluation d’impact social reste une discipline nouvelle en France, largement héritée du monde anglo-saxon, et elle est encore peu comprise par de nombreux acteurs. Un certain nombre de leçons ont pu être tirées des premières expérimentations aux Etats-Unis et au Royaume-Uni et la France a la chance d’avoir ce recul et de pouvoir l’adapter à son écosystème. La finance à impact est une discipline tout aussi nouvelle qui inclue la mesure d’impact comme l’un de ses trois piliers, et par conséquent le comité du label doit réfléchir et certifier des produits par ce prisme doublement innovant et encore peu structuré (on compte actuellement 98 approches d’évaluation d’impact social et la définition de la finance solidaire, à impact, with impact ou for impact, reste à stabiliser).

A travers les différentes mises à jour du règlement du label, il est clair que le comité est dans une démarche évolutive et d’apprentissage vis-à-vis des changements du marché de l’investissement à impact, des différents acteurs et régulateurs, démarche qui est particulièrement pertinente pour une posture de recherche-action.

Je compte aussi et surtout apprendre des enjeux de la mise en place d’évaluation d’impact dans le contexte des fonds demandant le label et de leurs sous-jacents, dont les données d’impact dépendent largement et qui sont particulièrement intéressants pour mes travaux au sein du Labo E&MISE de l’ESSEC.

 

3. Le label Finansol évolue vers la notion d'impact social, afin de renforcer ses exigences en matière de gestion et mesure de l'impact. En ce qui concerne spécifiquement la mesure de l'impact, comment percevez-vous les enjeux en la matière pour le secteur de la finance à impact social ?

Les enjeux qui me semblent récurrents pour la finance à impact social sont triples. Tout d’abord, l’harmonisation des définitions et des approches, sans forcément parler de standard imposé, mais au moins de langage commun, est un enjeu majeur selon moi, qui doit s’appuyer sur les travaux et méthodes des acteurs de l’impact (ESS, développement international), par exemple en travaillant au sein de cadres comme ceux des ODD et de concepts comme celui du Donut de Kate Raworth, combinant les dimensions sociales et environnementales.

Le second enjeu est la donnée : lorsqu’on parle d’impact social, on parle de changement social, et ce sont par conséquent des données de changement ou d’effets qui doivent être collectées, la plupart du temps en interrogeant les parties prenantes qui ont bénéficié de ce changement social à un niveau ‘micro’, sachant que ces parties prenantes ne seront pas les salariés (où l’on serait sur des critères ESG et de RSE), mais les communautés et/ou clients affectés par l’activité de l’entreprise. La collecte de données d’impact auprès de ces personnes requiert des ressources qui sont actuellement uniquement utilisées pour collecter des données ‘macro’ basées sur les déclarations des entreprises et le plus souvent ESG.

Enfin le dernier enjeu à mes yeux, mais qui est la première étape vers la transformation systémique de la finance, est la montée en compétences des organisations sur les sujets de l’impact, et à travers mes travaux à l’ESSEC il me parait évident que cette appropriation du sujet par les acteurs passera par une démarche de conduite du changement et de changement de regard sur l’impact et la compréhension de l’impact de l’activité, dans le sens core business, de l’organisation.

Je suis convaincue que participer au comité du label Finansol est une formidable opportunité de répondre à ces enjeux dans la mesure où le label joue un rôle de modèle et de levier de transformation auprès des investisseurs voulant investir de façon plus solidaire et durable.

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